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16 mars 2012 5 16 /03 /mars /2012 08:53

    Le désir vécu comme un rêve a été le déclencheur puis le moteur.

 

Nous avons toujours, Eric et moi, admiré les personnes qui vivaient à l'étranger, envié aussi. Pas les expatriés contraints par la vie ou leur profession au changement, mais bien ceux dont la situation était un choix. Il est évident que les apparences d'une vie facile cachent une réalité certainement tout autre. Bien sûr, le soleil, le dépaysement et les vacances idéalisent ce que le quotidien banalise. Cependant, constater que certains de nos compatriotes avaient franchi le cap et tentaient de vivre des expériences différentes a toujours été source de fantasme pour nous. Je crois même que ce rêve a cimenté notre relation. Là où d'autres pourraient craindre l'ennui ou le déracinement, nous y voyions excitation et renouvellement. Et aujourd'hui, je m'en rends compte, l'opportunité de construire ensemble.

 

Ce désir donnait l'impression que beaucoup de personnes faisaient ce que nous rêvions de faire, comme si nous étions les seuls à être atteints de pusillanimité face au changement. Lors de nos voyages à Marrakech, par exemple, nous considérions avec condescendance les Français qui y vivaient. Par jalousie, par frustration. C'était plus simple de les imaginer nantis, profiteurs ou  parvenus plutôt que d'oser les imiter.

eric-et-didier-dunes.JPG    Le Maroc, puis l'Inde ont cependant marqué d'une empreinte toujours plus forte notre soif de dépaysement. En plaisantant, nous nous disions qu'un jour nous nous y installerions. A la retraite, cela était certain. Mais pourquoi attendre ? Fini d'être touristes !

 

Début février 2011, je m'étais promis, mais comme une résolution que l'on ne tient pas, que si mon CDI à Ideat ne se concrétisait pas, je (nous) partirais à l'étranger. Pourquoi ? Je l'ignore.

Lors du premier entretien, la rédactrice en chef, réagissant à mon CV où les voyages prenaient une grande part, m'avait demandé si je comptais m'installer en Inde. Cette réflexion a-t-elle déclenché un défi ? Je ne le pense pas. Cependant, elle avait quelque part vu juste. Au fond de moi, une intuition me chuchotait que si ce n'était pas eux qui me feraient défaut ce serait moi. Finalement, il n'y a pas de hasard. Ils m'ont permis de prendre une décision que je craignais. J'ai lutté contre l'idée que je ne suis pas fait pour la routine professionnelle. Se satisfaire d'avoir un travail correspond à mon éducation. Changer de profession, voilà un signe d'instabilité que je devais réprimer.

Lorsque j'ai su qu'Ideat ne transformerait pas ma période d'essai en CDI, j'ai certes été anéanti. J'ai rejoint Eric à Nice pendant ses vacances. Il devait réfléchir à quitter son boulot et ouvrir une bijouterie. Je l'incitais à poursuivre cette voie, sans pour autant comprendre le peu d'entrain qu'il y mettait, lui, qui depuis de nombreuses années, voulait quitter sa place. Les risques qu'il prendraient auraient cependant été moindre avec un CDI de mon côté. Depuis des années qu'Eric assumait la stabilité de notre vie, la fin de la précarité pour moi aurait permis un juste retour de situation.

 

Je ne me souviens plus comment l'idée de l'étranger a refait surface, peut-être cette promesse que je m'étais fait lors du CDI, mais nos discussions durant ce week-end ont dû accélérer le mouvement.

Un soir Eric est rentré du boulot : il avait calculé combien de temps nous pourrions vivre en Inde si nous vendions notre appartement. Longtemps. Mais en adoptant un mode de vie à l'indienne… L'Inde semblait trop éloignée. Pourtant, je suis toujours convaincu qu'il y a vraiment des choses à construire du point de vue du tourisme et du commerce. L'accès à la propriété reste impossible pour des Occidentaux. La barrière de la langue ajoutait une difficulté.

Un autre jour, j'ai fait venir un agent immobilier afin qu'il évalue notre bien.

Eric, qui ne lit jamais, a acheté des livres sur l'expatriation, sur la gestion des maison d'hôtes. Il revenait chaque soir avec des listes d'idées sur des petits bouts de papiers griffonnés à son boulot. Partir au Maroc plutôt qu'en Inde ; d'abord Fès, puis Marrakech. Sa détermination m'a certifié que la vieille idée d'ouvrir un riad au Maroc allait se réaliser.

 

Pourquoi le Maroc ?

P1020215.JPG   Depuis notre Pacs, fêté à Marrakech, au mois de juin, nous savions que le pays nous plaisait toujours autant. C'était alors important de réunir tous ceux qui nous étaient proches dans cette ville, afin de partager avec eux un lieu qui nous ressemblait. Les trois jours remplis d'amour que notre famille et nos amis nous ont offerts étaient les prémices de la décisions.  Ce riad, le Dar Saad, loué en exclusivité était notre maison, un peu comme si nous étions dans un jeu de rôle, où nous aurions tenu la place des propriétaires. Achever le séjour et rentrer en France fut douloureux. Je me souviens de la discussion avec Carole à l'aéroport, nous avions alors, déjà des projets. Mais, si on nous avait prédit qu'un an plus tard nous deviendrons des Marrakchis d'adoption, nous n'y aurions pas cru. Le rêve eût été trop beau…  Chercher à prolonger ces instants est illusoire, mais tellement tentant.

 

Peut-être pour cette raison, de façon inattendue et alors que tout devrait aller à l'encontre de ce sentiment, pour la première fois l'avenir semble rassurant. La difficulté reste de ne pas culpabiliser à l'idée de satisfaire ses envies, de répondre à ses désirs les plus enfouis plutôt qu'écouter la voix castratrice de la raison. Laisser la porte ouverte à ce qui peut être considérer comme folie reste un risque qui vaut la peine d'être couru. 

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15 mars 2012 4 15 /03 /mars /2012 15:44

 

 

 

13.jpg 

 

     Notre premier long voyage au Maroc s'est multiplié en de nombreux autres petits séjours. La facilité et la fréquence des vols ont fait de Marrakech notre destination phare. La Perle du Sud nous avait plu, mais pas conquis de prime abord. 

 

La durée et le temps ont installé la relation. Partir un week-end à Marrakech nous a toujours permis de retrouver les intenses sensations éprouvées pour des villes marocaines que nous avions, la première fois, jugées plus authentiques.  La facilité d'accès nous a permis de renouer avec Marrakech comme lieu phare et synthèse de nos premiers émois. C'est un sentiment identique à celui provoqué par le côtoiement d'une personne proche de celle que l'on aime, qui nous la rappelle sans qu'elle ait pour autant le même attrait que la personne aimée. Et puis, comme par habitude, mais aussi car la fréquence et la proximité engagent à la découverte, on se met à apprécier de plus en plus cette personne presque au détriment de la première.  Petit à petit les sentiments viennent à se déplacer et à se déporter du premier au second amour. Ce n'est pas une infidélité mais un prolongement. Ainsi Marrakech est devenue notre réminiscence du Maroc dans sa globalité. Nous avons appris à connaître la ville et à comprendre ce qui constitue son charme indéniable. D'ailleurs, sa célébrité tient à cela. Tout à la fois insaisissable et  reconnaissable, orientale mais tellement attirée par l'Occident. En ce sens, le riad serait la quintessence de ce ressenti. Lorsqu'on y pénètre on y découvre un univers intime, empreint de traditions alors que de l'extérieur, il ne paye pas de mine. Il faut s'en approcher, y entrer et s'y installer pour comprendre pourquoi ces maisons traditionnelles provoquent de tels engouements auprès des Européens que nous sommes.
Je m'interroge d'ailleurs sur le paradoxe entre rêver de vivre dans un riad et rechercher l'aventure. Il s'agit d'une sédentarisation qui coïncide peu à nos velléités de changements. La réponse viendra avec le temps je suppose.

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25 février 2012 6 25 /02 /février /2012 16:58

 

eric did anes copie   Quand nous avons découvert le Maroc, sept ans plus tôt, nous savions qu'un jour nous y vivrions, en tout cas moi je le savais.  

La découverte d'un pays peut provoquer autant de bouleversements qu'une rencontre amoureuse.

 

Dès l'arrivée à Marrakech, j'ai éprouvé un sentiment de familiarité. Nos comportements étaient justes. Les paroles, les gestes et le situations allaient de soi. Le vacarme de la circulation, les odeurs, le réveil par le chant du muezzin, le harcèlement des commerçants, tout ce qui aurait pu être agression se transformait en quiétude, parfum, mélodie et hospitalité. 

 

Nous rejoignions la cousine d'Eric qui logeait chez les sœurs d'une amie. Accueillis et intégrés chez cette fratrie féminine, nous avons eu la chance d'aborder le Maroc de l'intérieur. Evoluant dans un milieu modeste, elles ne cessaient pourtant de rire et de vouloir nous être agréables. L'une d'entre elle s'amusait de ne pas être reconnue par nous lorsque, pour sortir, elle avait revêtu le hijab. Ce qui chez nous était diabolisé devenait plaisanterie et distanciation. L'autre s'étonnait que je comprenne des mots d'arabes (chouia, bezef,etc.). Ces mots qui auraient pu en France prendre une valeur populaire se dotaient ici de signes de richesse et de partage. Leur gentillesse, leur générosité et leur bonne humeur nous ont introduits dans une ambiance qui allait se répéter au fil des rencontres. Nous avons retrouvé de valeurs que nous avions perdues ou oubliées. C'est un sentiment qui finalement est assez fréquent dès lors que l'on voyage dans les pays dits pauvres, émergents ou autre – nous avons d'ailleurs vécu cela, multiplié, en Inde. Cependant, c'était là un peu notre première fois et le sentiment de revenir sur un territoire perdu était prégnant, celui de l'enfance en ce qui me concerne. 

 

Ayant grandi dans la ville ouvrière de Berre l'étang, j'ai été très tôt confronté à une société d'immigrés nord-africains. Dans ma classe, il y avait beaucoup de Marocains et surtout d'Algériens. Je ne vais pas revenir sur le racisme qui gangrène les Bouches-du-Rhône. Cependant, les Mohamed, Farida, Salima ou Rachid étaient souvent ostracisés. Ils pouvaient aussi être agressifs. Comment ne pas l'être, lorsque parfois leurs pères avaient fréquenté des foyers sonacotra? Je croyais d'ailleurs, quand j'étais tout enfant, que les hommes qui y séjournaient étaient des simples d'esprit. Ignorance qui est bien révélatrice du fossé qui pouvait séparer des "arabes" – c'est ainsi qu'on les désignait alors – de "bons petits Français". Ils étaient à la fois des proches et des étrangers. Une part de moi a toujours envié leur verve et leur esprit clanique. Moi aussi souvent mis à l'écart, j'étais sensible à leur esprit de groupe. En arrivant en terre marocaine, j'ai eu le sentiment de rattraper le temps perdu, de retrouver de vieux amis que je n'avais pas toujours eu la chance de connaître. Ils avaient pu être des ennemis, ils devenaient familiers. Tout une culture s'ouvrait à moi. L'occasion rêvée de rompre avec un héritage colonialiste, de se confronter à la réalité afin d'effacer les préjugés. Un jour, j'ai appris que Zouina n'était pas seulement un prénom bizarre mais signifiait aussi en arabe "belle". Cette découverte m'a rendu triste. Cette petite fille dont on se moquait était en réalité, par la transmission de ses parents, un trésor. La bêtise s'effaçait au profit de la poésie de la langue.    

 

Ce voyage fut celui du dépassement, comme par exemple ce trek dans la vallée du Dadès. Les paysages étaient magnifiques. Nous avons dormi dans des grottes avec une famille d'anciens nomades devenus sédentaires. En plein désert, le soir le père racontait à ses enfants des histoires que nous ne comprenions pas, mais qui nous reliaient à la terre, à l'instant et à la simplicité. Réaliser que des personnes vivaient ainsi, loin de la civilisation m'a paru magique. Des enfants émerveillés par le retour de leur père, sous les étoiles prêts à boire ses paroles au lieu d'être hypnotisés par le poste de la télé. Le réveil avec le soleil. Le partage de figues qu'il avait ramassé – et dans ces cas là peu importe que celles-ci aient été lavée à l'eau non potable! La marche silencieuse dans le désert. Seul Gerry de Gus Van Sant m'a fait revivre ces instants. Sans ostentation mais avec beaucoup de douceur, la nature et les éléments déployaient tout leur sens.

 

Nous avons certes vécu le Maroc touristique, mais avec conscience et amusement. Nous avons rencontré celui rural dont la générosité nous a nourri.

Je finissais ce voyage différent, réalisant que j'étais capable de simplicité et d'ouverture, détaché du paraître et relié avec l'essentiel de moi-même.

Au retour, atterrissant à Lyon, nous n'avons pas trouvé d'hôtel. Nous avons alors dormi sur des bancs, nos sacs à dos en guise d'oreillers. En face de nous, un habitué sommeillait. Cette situation, qui aurait provoqué auparavant de l'énervement, nous a rempli d'apaisement.  

 

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