En plein ramadan, au mois d’août 2012, les portes du riad Houdou s’ouvraient de nouveau aux hôtes. Pour l’occasion, l’artiste peintre Mohamed Najahi avait peint sur le mur de la terrasse une belle fresque immortalisant l’événement.
Pour fêter cette belle année d’activité, nous nous devions de renouer avec un événement pictural. Le riad Houdou a donc la joie d’exposer les tableaux de 2niz Lejeune, que l’artiste a créés pour cette occasion dès le 7 août.
La rencontre n’est pas fortuite et s’inscrit dans le cadre d’une cohérente vitalité. En effet, 2niz est une artiste en herbe, une peintre en devenir. Mue par un incroyable enthousiasme, une juvénile énergie, elle a produit pour cet événement de nombreuses toiles avec une générosité décomplexée. Une étonnante dynamique de l’inspiration la pousse vers l’acte de créer coûte que coûte. 2niz n’est effrayée par aucun sujet et s’approprie toutes les situations pour les intégrer à son univers. Dès la première vision, on est saisi par la notion de plaisir qui dynamise les traits. La franchise et la témérité avec laquelle elle aborde de front chaque toile ouvrent la réalisation à tous les possibles. Sa liberté rêveuse n’est pas loin de rappeler celle qui nous a poussé vers le projet d’ouverture du riad. Quoi de plus naturel alors que sa peinture vienne célébrer nos débuts ?
Lorsque 2niz a franchi la porte du riad, en tant qu’hôte, elle nous a très vite confié sa passion pour les arts. De formation littéraire et scientifique, cette fraiche retraitée s’est révélée une invité hors norme, passionnante et passionnée. Puis, de retour en France, elle nous a envoyé un tableau, la porte du riad, qu’elle avait peint. La proposition d’exposer pour nous a été relevée par l’ardente et généreuse 2niz comme un défi.
Aussitôt promis aussitôt fait ! 2niz, insatiable, s’est mise à produire, produire et encore produire. Le Maroc, Marrakech et notre riad l’ont inspirée. 2niz s’est souvenu de son passage, a restitué les instants sous son regard d’artiste, avec vivacité, générosité et spontanéité. Sous son pinceau Ouzoud, Aziz, les souks, Ourika, le hammam, Fatima Zahra, les bambous de Majorelle, un sac berbère, Rajaa et sa cuisine revêtent les accents d’une violente innocence, retravaillés par la subjectivité de son regard. Si la peinture de 2niz retrouve la vitalité de l’art africain contemporain par l’ingénuité du trait, la vivacité chromatique et le foisonnement des détails, la candeur n’est qu’apparente. Le regard de l’artiste est acéré et il exacerbe les situations les plus banales pour les représenter sans détour. Faisant fi de la reproduction réaliste, elle préfère faire confiance à l’émotion de ses souvenirs. Le cadre du tableau restitue alors son regard singulier pour devenir une fenêtre ouverte sur son cœur.
2niz ose peintre le quotidien, celui du riad, Aziz bouquet de fleurs à la main qui part arroser en tenue d’apparat. C’est le petit morceau de plumeau de Fatima Zahra qui s’agite avec frénésie contrastant avec l’aspect figé de la toile. Si le hammam est vide, le hors cadre laisse imaginer les souvenirs de voluptueux gommages. Les aplats et la perspective ne s’embarrassent pas d’une volonté de fidèle restitution de la réalité. Le regard prime, simple et direct, tranchant parfois, mais jamais acerbe, toujours bienveillant et aimant. Ainsi le bleu de Majorelle, parce qu’il a irradié les yeux de l’artiste, se fond dans les bambous du jardin. Et que dire des cascades d’Ouzoud dont les flots deviennent trace de pinceau ou de ce chemin de Figuig qui rend à la nature la violence de s charge sexuelle ? Là, la toile se fait plus énigmatique, mais l’on devine une histoire cachée, un vent de vécu qui vient contaminer la sagesse attendue du paysage. Car on ne la fait pas à 2niz Lejeune, et son regard d’enfant reste le reflet de son enthousiasme d’artiste, il n’exclu pas des « surprises » comme elle aime le dire. Rien n’est achevé et le temps de l’innocence n’est que provisoire. 2niz rêve éveillée et sous ses toiles c’est à la fois les espoirs de la petite fille qu’elle a été et les acquis de la femme mûre qui jaillissent.
Elle connaît la puissance des images et les réalité de la vie. Et en les couvrant du voile de la candeur, elle cherche à provoquer. Un tableau de 2niz reste toujours en devenir, jamais achevé, toujours à parfaire et à décrypter.
Sous son regard, c’est aussi par extension le Maroc qui dévoile ses paradoxes, sa générosité, sa gaieté, son soleil et sa convivialité mais bien loin des images d’Epinal. Comme les toiles de 2niz, le pays est mouvant, en évolution et en progression. Ce futur que ces œuvres symbolisent est aussi le nôtre.