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25 février 2012 6 25 /02 /février /2012 16:58

 

eric did anes copie   Quand nous avons découvert le Maroc, sept ans plus tôt, nous savions qu'un jour nous y vivrions, en tout cas moi je le savais.  

La découverte d'un pays peut provoquer autant de bouleversements qu'une rencontre amoureuse.

 

Dès l'arrivée à Marrakech, j'ai éprouvé un sentiment de familiarité. Nos comportements étaient justes. Les paroles, les gestes et le situations allaient de soi. Le vacarme de la circulation, les odeurs, le réveil par le chant du muezzin, le harcèlement des commerçants, tout ce qui aurait pu être agression se transformait en quiétude, parfum, mélodie et hospitalité. 

 

Nous rejoignions la cousine d'Eric qui logeait chez les sœurs d'une amie. Accueillis et intégrés chez cette fratrie féminine, nous avons eu la chance d'aborder le Maroc de l'intérieur. Evoluant dans un milieu modeste, elles ne cessaient pourtant de rire et de vouloir nous être agréables. L'une d'entre elle s'amusait de ne pas être reconnue par nous lorsque, pour sortir, elle avait revêtu le hijab. Ce qui chez nous était diabolisé devenait plaisanterie et distanciation. L'autre s'étonnait que je comprenne des mots d'arabes (chouia, bezef,etc.). Ces mots qui auraient pu en France prendre une valeur populaire se dotaient ici de signes de richesse et de partage. Leur gentillesse, leur générosité et leur bonne humeur nous ont introduits dans une ambiance qui allait se répéter au fil des rencontres. Nous avons retrouvé de valeurs que nous avions perdues ou oubliées. C'est un sentiment qui finalement est assez fréquent dès lors que l'on voyage dans les pays dits pauvres, émergents ou autre – nous avons d'ailleurs vécu cela, multiplié, en Inde. Cependant, c'était là un peu notre première fois et le sentiment de revenir sur un territoire perdu était prégnant, celui de l'enfance en ce qui me concerne. 

 

Ayant grandi dans la ville ouvrière de Berre l'étang, j'ai été très tôt confronté à une société d'immigrés nord-africains. Dans ma classe, il y avait beaucoup de Marocains et surtout d'Algériens. Je ne vais pas revenir sur le racisme qui gangrène les Bouches-du-Rhône. Cependant, les Mohamed, Farida, Salima ou Rachid étaient souvent ostracisés. Ils pouvaient aussi être agressifs. Comment ne pas l'être, lorsque parfois leurs pères avaient fréquenté des foyers sonacotra? Je croyais d'ailleurs, quand j'étais tout enfant, que les hommes qui y séjournaient étaient des simples d'esprit. Ignorance qui est bien révélatrice du fossé qui pouvait séparer des "arabes" – c'est ainsi qu'on les désignait alors – de "bons petits Français". Ils étaient à la fois des proches et des étrangers. Une part de moi a toujours envié leur verve et leur esprit clanique. Moi aussi souvent mis à l'écart, j'étais sensible à leur esprit de groupe. En arrivant en terre marocaine, j'ai eu le sentiment de rattraper le temps perdu, de retrouver de vieux amis que je n'avais pas toujours eu la chance de connaître. Ils avaient pu être des ennemis, ils devenaient familiers. Tout une culture s'ouvrait à moi. L'occasion rêvée de rompre avec un héritage colonialiste, de se confronter à la réalité afin d'effacer les préjugés. Un jour, j'ai appris que Zouina n'était pas seulement un prénom bizarre mais signifiait aussi en arabe "belle". Cette découverte m'a rendu triste. Cette petite fille dont on se moquait était en réalité, par la transmission de ses parents, un trésor. La bêtise s'effaçait au profit de la poésie de la langue.    

 

Ce voyage fut celui du dépassement, comme par exemple ce trek dans la vallée du Dadès. Les paysages étaient magnifiques. Nous avons dormi dans des grottes avec une famille d'anciens nomades devenus sédentaires. En plein désert, le soir le père racontait à ses enfants des histoires que nous ne comprenions pas, mais qui nous reliaient à la terre, à l'instant et à la simplicité. Réaliser que des personnes vivaient ainsi, loin de la civilisation m'a paru magique. Des enfants émerveillés par le retour de leur père, sous les étoiles prêts à boire ses paroles au lieu d'être hypnotisés par le poste de la télé. Le réveil avec le soleil. Le partage de figues qu'il avait ramassé – et dans ces cas là peu importe que celles-ci aient été lavée à l'eau non potable! La marche silencieuse dans le désert. Seul Gerry de Gus Van Sant m'a fait revivre ces instants. Sans ostentation mais avec beaucoup de douceur, la nature et les éléments déployaient tout leur sens.

 

Nous avons certes vécu le Maroc touristique, mais avec conscience et amusement. Nous avons rencontré celui rural dont la générosité nous a nourri.

Je finissais ce voyage différent, réalisant que j'étais capable de simplicité et d'ouverture, détaché du paraître et relié avec l'essentiel de moi-même.

Au retour, atterrissant à Lyon, nous n'avons pas trouvé d'hôtel. Nous avons alors dormi sur des bancs, nos sacs à dos en guise d'oreillers. En face de nous, un habitué sommeillait. Cette situation, qui aurait provoqué auparavant de l'énervement, nous a rempli d'apaisement.  

 

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commentaires

N
J'ai beaucoup aimé le passage sur Berre évidemment et tout le reste, tu sais écrire et dire les choses.Bises
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R
<br /> <br /> Merci Nicole, c'est très gentil. C'est certain que tu peux comprendre ce que j'ai écrit sur Berre...<br /> <br /> <br /> <br />